dimanche 24 février 2008

Histoire sans fin d'une salle de spectacle à Chicoutimi


Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche 24 février 2008, p. 40

Histoire sans fin

Laforge, Christiane

... Et dans un geste symbolique, Pilate se dissocia d'une mise à mort évitable en se lavant les mains, rejetant sur les autres la responsabilité d'une décision qu'il venait de cautionner.

Histoire sans fin

En 1984, Yvon Sanche déclenche une première alarme concernant la vétusté de l'auditorium du Cégep de Chicoutimi, lieu de diffusion utilisé par la Coopérative de développement culturel Théâtre du Saguenay. Il réitère en 1986.

En 1998, le rapport Trizart dénonce les ravages de douze années de plus. Il évalue avec réalisme qu'il en coûtera près de 12M$ pour essentiellement corriger les "irritants majeurs" de l'auditorium Dufour.

En 2004, le rapport Trigone, préparé à la demande de la ville de Saguenay et du ministère de la Culture et des Communications du Québec, met en évidence la pertinence d'une consultation publique sur un dossier aussi important. Les Conseillers Trigone ont rencontré plus de vingt organismes représentants du milieu des arts et de la culture. Pour assurer le développement des arts de la scène à Saguenay, Trigone favorise une grande salle de spectacle de 1200 places qui réponde aux normes professionnelles. Déposé officiellement au mois de mai 2005, le rapport avait déjà été rejeté le 16 mars par le conseil de ville.

Le choix

Janvier 2005, la directrice générale du Cégep de Chicoutimi, Ginette Sirois, dépose un projet de rénovation de l'auditorium Dufour au coût de 3,5 M$. La participation de la ville serait de 2,2 M$.

L'Association des centres-villes déposent un projet d'implantation d'une nouvelle salle de spectacle polyvalente de 1200 sièges rejoignant les attentes des organismes culturels. Il reçoit l'aval du Théâtre du Saguenay. L'infrastructure ne se limite pas seulement à une salle de spectacle, mais prévoit loges, bureaux, salle de répétition, café et autres commodités modernes. Coût prévu: 16M$. La participation de la ville serait de 3M$.

Le 4 avril 2005, au cours d'une séance municipale houleuse, le maire de Saguenay rejette tout autre idée que celle de la rénovation de l'auditorium Dufour. Une décision imposée, sans consultation publique, malgré les réserves clairement exprimées par les citoyens et représentants du milieu culturel. Ceux-ci demandent aux élus de prendre au moins le temps de réaliser une analyse comparative des deux projets. Sourds à tout raisonnement, les élus votent pour l'acceptation du projet Sirois. Trois conseillers seulement manifestent leur dissidence. Dès lors, le Théâtre du Saguenay avait-il d'autre choix que de se résigner à la rénovation de l'auditorium du cégep?

Pourtant, très vite, force est de constater que l'évaluation des coûts de la rénovation est irréaliste. On passe de 3,5 à 4,8M$ en avril 2005, puis à 6,5M$ en mai 2006, à 13M$ en février 2008.

Respecter un budget

La semaine dernière, le Théâtre du Saguenay est prié, cavalièrement, d'assumer "ses erreurs" de prévision d'un budget galopant. Ah! oui? Mais qui donc a décidé pour tous que la rénovation de l'auditorium était le bon choix?

En 2005, les élus de Saguenay auraient-ils endossé un projet sans avoir étudié le réalisme des chiffres soumis? Auraient-ils seulement analysé les deux projets avant de s'incliner devant la décision irrévocable de leur chef?

Qui donc, aujourd'hui, est étonné d'apprendre que les chiffres avancés en 2005 se révèlent irréalistes? Ce fait, déjà évident il y a trois ans aux yeux d'un profane, a-t-il échappé - et pourquoi? - à l'analyse réfléchie de ceux qui ont imposé publiquement "leur" choix unilatéral le 4 avril 2005? Qui est à blâmer?

Le milieu des affaires et les organismes culturels ont été, malgré eux, acculés au pied d'un mur vieillissant, alors qu'ils aspiraient à un investissement majeur au bénéfice d'une cité moderne... comme cela s'est fait ailleurs au Québec, avec succès, dans des municipalités plus modestes (Sept-Îles, Joliette, Granby et L'Assomption).

Trop facile de les renvoyer à un devoir imposé, comme s'ils étaient seuls responsables de cette situation.

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1 commentaire:

  1. Bravo pour votre édito sur la salle de spectacles. Tout est merveilleusement
    clair, les points sont sur le i, et vous osez montrer du doigt celui qui est le responsable de ce foirage absolu, le maire Jean Tremblay qui essaie toujours de se laver les mains dans l’eau sale de ses décisions trop rapides.
    Merci, madame.

    Richard Desgagné
    erdes@videotron.ca

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