vendredi 28 mars 2014

Démocratie dites-vous?



En parallèle avec ce blogue, je navigue désormais sur le site Mauvaise herbe. J'y accoste au moins une fois par mois.

Mon sixième texte, publié le 28 février 2014 : Démocratie dites-vous?

Nos aspirations à une démocratie qui soit réellement démocratique ne demeurent-elles pas utopiques? À partir du moment où les prétendants à la députation adhèrent à un parti, ils ne sont plus la voix du peuple, mais bien les défenseurs des idées partisanes. Une fois élu, un député n’est plus le représentant des gens de son comté, mais le porte-voix d’une ligne de pensée unique. La dissidence sans permission préalable entraîne l’exclusion.

Fatima Houda-Pépin en est un exemple marquant. Dans ce propos, peu importe le sujet de la divergence de la députée de La Pinière, le fait est qu’elle a refusé de se taire, qu’elle a revendiqué le droit de défendre son point de vue et, par là, celui des gens qui l’ont élue. Inadmissible selon le chef du parti libéral qui précise : « Il s'agit d'un geste sérieux dont les conséquences pourraient être sérieuses s'il n'est pas corrigé rapidement. Un geste de “rupture” envers les “lignes d'autorité” du parti […] ». Le choix de cet exemple n’est pas partisan. Chaque parti peut coiffer ce chapeau.

Le plus odieux dans la partisanerie, c’est le détournement du pouvoir donné. Une fois les bulletins de vote dépouillés, après une campagne électorale qui occulte trop souvent la vérité au profit de la médisance, voire la calomnie, chaque citoyen doit se résigner à être représenté par le « gagnant » qu’il soit dans le parti au pouvoir, dans l’opposition officielle ou l’opposition silencieuse. Une loterie où, malgré tout, je continue de croire en une majorité bien intentionnée, dévouée et déterminée à bien représenter… le parti? … le citoyen?

Les bonnes intentions se heurtent, hélas!, au souci obsédant de « garder » ou de « reprendre » le pouvoir. C’est là que le citoyen risque d’être totalement écarté des enjeux. Quand les décisions sont bradées contre l’étalon-or politique : le vote du clan le plus nombreux.

Des élections — encore! — se préparent au Québec. Combien je me désole devant la trop courte survie d’un gouvernement minoritaire, alors qu’évitant la dictature d’une majorité partisane, l’opposition aurait pu assurer un débat et, dans le meilleur des cas, une action concertée basée sur le meilleur intérêt de la nation.

Malheureusement, à quoi assiste-t-on? Dès le lendemain des élections, la machine des spéculations se met en branle pour développer la stratégie d’une mise à mort, sans égard à son bien fondé. Le but : prendre le pouvoir. Rien à voir avec la bonne gouvernance encore moins d’être au service du peuple. Sur la scène parlementaire, les « comédiens » se campent dans leur rôle. D’un côté, on tente de garder l’équilibre sachant que quoique l’on fasse, les autres multiplieront les crocs-en-jambe. Dans les coulisses, c’est pire. Il s’agit de saisir le meilleur moment pour donner le coup fatal, provoquer la chute dans l’espoir de s’emparer du trône. Ne soyons pas naïfs. Ils s’accuseront les uns les autres d’avoir précipité les élections. Si le parti au pouvoir prend l’initiative, il sera accusé d’opportunisme. S’il ne le fait pas, l’opposition provoquera la chute selon que le moment lui soit propice. Et le grand perdant demeure le peuple. Pendant tout ce temps gaspillé, le fort délaissé par ses gardiens, un pouvoir occulte et souterrain étend toujours plus loin ses tentacules.

Faut-il s’étonner de la désaffection de plus en plus grande des personnes qui choisissent de ne pas user de leur droit de vote? Nous sommes nombreux à subir ce tragique dilemme de ne pouvoir voter pour quelqu’un, trop occupés à voter contre quelqu’un.

À quoi me sert d’élire la meilleure personne, la plus compétente, la plus dévouée, si elle se retrouve condamnée à l’obéissance aveugle, privée de la liberté d’exprimer ses doutes, dépouillée de son sens critique? Quelle est la valeur de mon choix s’il me met à la merci d’une autorité absolue, puisque mon représentant sera contraint de se soumettre?

Dans mes délires nocturnes, il m’arrive de penser que ce serait bien de n’avoir à choisir que des candidats indépendants. À chacun de me convaincre qu’il saura défendre les intérêts de ma région mieux que quiconque auprès d’un chef d’État élu préalablement par tous les citoyens. J’ai bien écrit délires nocturnes.

Il est plus que temps d’une réforme. Et pour la réussir, il faudra que tous partis confondus franchissent le pas qui permettra cette réforme. Y songer suppose une indépendance d’esprit au-delà de toute partisanerie. Hélas! Hélas!

Pour qui sonne le glas?


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samedi 1 mars 2014

Ma vie en théâtrascope de Patrice Leblanc : un spectacle coup de poing

Trac - Clown Noir
Patrice Leblanc

Je pourrais reprendre mot pour mot le commentaire écrit en 2010 sur Ma vie en théâtrascope, version I du spectacle de Patrice Leblanc, le Clown Noir qui monte sur scène comme un gladiateur prêt à se battre à la vie à la mort.

J'écrivais en 2010 :
Ma vie en théâtrascope, spectacle en solo du Clown Noir Trac est une performance pamphlétaire où le rire permet de ne pas exploser. Un rire noir plus que jaune, mais rire tout de même pour ne pas pleurer. On quitte la salle, perturbé certes, mais très content de n’avoir pas raté ce rendez-vous avec une voix qui ose dire.

Hier soir, 28 février 2014, à la salle Murdock du Centre des arts et de la culture de Chicoutimi, face à une salle presque comble, Trac est revenu plus percutant que jamais. Pas besoin d'avoir vu la première version. La seconde relate également toute la vie imaginaire du personnage. Imaginaire??? Il nous entraîne quelque part au siècle dernier, dans un univers intemporel dont les évènements ressemblent à nos souvenirs tout en s'intégrant tragiquement dans la réalité présente.

 J'écrivais en 2010 :
Rebelle assumé, Patrice Leblanc prend le risque de l’indignation. Ne faut-il pas de l’audace en ces temps du langage épuré de toute provocation, ère aseptisée du «politiquement correct», pour saisir à bras le corps toutes les vicissitudes.

« Le jour de ma première opposition fut ma naissance » relate Trac. En vain, le bébé refuse de quitter la chaleur du ventre maternel. Il n'est pas dupe. On peut bien chanter : 
« C'était au temps ou le Saguenay t'aimait », il pressent que la vie ne sera pas une partie de plaisir à cette époque où la définition du bon citoyen se résume à « quelqu'un qui ne fait rien pour que ça change. »

 J'écrivais en 2010:
Qui connaît les Clowns noirs ne sera pas surpris de la scénographie où un homme seul sur scène se multiplie en personnages de tous âges, masculins ou féminins. Quelques planches coiffées prennent figure humaine, une planche à repasser devient civière et lit, une simple corde à linge assure l’évocation des lieux (cuisine, institution, prison). La scène de Trac ne renie rien du théâtre de l’enfance où l’imagination prête forme et caractère à l’objet selon les besoins de l’histoire à vivre.

Et quelle histoire! Celle de Trac dont la naissance annonce le destin d’un insoumis. Et tout y passe : la tendresse et la violence, l’amitié et l’abus, la rébellion et la répression, la volonté farouche de vivre libre et la chute de l’ange, l’espoir et la guerre, la vie et la mort. Patrice Leblanc a puisé à pleines mains dans l’actualité pour raconter la vie de Trac en théâtrascope. Pas besoin d’inventer. Il suffit de s’emparer des faits évoqués chaque jour par nos médias. Trac, le bien nommé Clown noir, nous montre que ce ne sont pas les clowns qui font des pitreries.  

 « Je vais faire de chaque temps présent un évènement » défie Trac en réponse à la résignation à la souffrance, invoquée par le prêtre aux funérailles de son premier amour. On croirait entendre Patrice Leblanc. 

Il faut voir, entendre, revoir même Ma vie en théâtrascope. Du début à la fin, il s'agit d'une performance de haut calibre produite avec des moyens forts modestes qui en accentuent l'impact. Le numéro sur la désensibilisation amène une finale qui fait soulever la salle, à qui il adressera un dernier mot. De ces mots qu'il fait bon d'entendre.

Ce diable d'homme qui refuse de tolérer l'intolérable use d'humour, noir bien souvent, pour mieux bousculer toute tentation au conformisme. Le personnage de théâtre n'est jamais loin de l'homme vibrant. « J'avais mal à mon pays et puis, un jour quelque chose comme un miracle... » confie Trac. C'est peut-être lui le miracle.



Le bien nommé Clown Noir

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