samedi 5 décembre 2009

Jean-Claude Villeneuve se raconte

Jean-Claude Vileneuve
©Photo Rocket Lavoie - Le Quotidien

Samedi dernier avait lieu le lancement du premier livre de Jean-Claude Villeneuve. Le Progrès-Dimanche en a fait sa page vedette de Ici Dimanche. Une belle page tant pour la forme que le contenu signé par le journaliste Denis Villeneuve. Elle n'est malheureusement pas disponible sur l'Internet. Mais sous forme de photo en voici un aperçu visuel.

© Progrès-Dimanche - 29 novembre 2009

Lors du lancement, à la bibliothèque de Chicoutimi, nous avons pu entendre les espoirs enthousiastes des fondatrices de la maison d'édition Vivat, Claire Bouchard et Nicole Bélanger, la petite histoire du livre livrée avec émotion par l'auteur du récit L'époque de mon enfance, Jean-Claude Villeuneuve, ainsi que d'une première appréciation élogieuse de Russel Aurore Bouchard.

Après lecture du manuscrit, ce fut pour moi un plaisir que d'écrire la préface de ce livre qui, je l'espère aura une suite. La voici:

l'Époque de mon enfance
Préface

L'homme d'aujourd'hui est issu de l'enfant d'hier. Jean-Claude Villeneuve en livre un témoignage éloquent dans ce livre, L'époque de mon enfance, où il raconte les treize premières années de sa vie.
« Comment s'est joué le silence d'une enfance et d'une adolescence sous l'influence des rudes traditions et d'une intransigeante autorité » tient-il à expliquer en avant-propos. Curieusement, si rude soit l'époque, si rigoureux soient les parents et les éducateurs, si ardue soit la vie quotidienne quand la survie est un combat jamais gagné, les pages de ce récit resplendissent d'une lumière surprenante. Comme si, à son insu, le petit garçon de cette histoire avait superposé sur la toile noire toutes les couleurs vives d'une volonté farouche de saisir le plaisir de vivre.
« Nous fûmes vite enveloppés par l'arôme du sapin de notre sommier et par la chaleur des bûches d'épinette qui pétillaient dans le gros poêle en fonte », narre-t-il au souvenir des nuits dans le camp de bûcherons, plutôt que de se plaindre de la précarité de cette expérience. Ce passage, comme bien d'autres, permet de croire que cet enfant devenu homme ne courbera pas l'échine. Et l'on regrettera peut-être que ce livre nous laisse aux portes de son adolescence, pour en venir trop vite à l'âge adulte de la fratrie Villeneuve. Il énonce les étapes inévitables de chacun : mariage, enfants, divorce, engagement professionnel, social et politique. Une énumération ponctuelle, sans plus. Comme si l'auteur n'osait aller plus loin dans les sentiments et décidait, par là, de nous laisser de l'autre côté du miroir.
Bien que l'auteur aborde le récit de son enfance par des données historiques concordant avec ses ancêtres et membres des familles Amyot, dit Villeneuve, et Jean, le lecteur se laissera petit à petit entraîner par le conteur qui se révèle au fil des pages. Sans doute, chacun aura sa façon de suivre Jean-Claude Villeneuve dans ce passé familial ; les uns soucieux de s'assurer des faits et dates dans le contexte de l'Histoire, les autres cueillant les cailloux semés dans les pages pour retrouver les pas d'un Petit Poucet refusant de s'égarer dans ce passé.
Les terres agricoles, les forêts, l'usine (en l'occurrence l'Alcan), tout est dur labeur pour les familles où les enfants se comptent quinze à la douzaine. En présentant l'un après l'autre les membres de sa famille, c'est le récit d'une époque, le demi du XXe siècle au Saguenay, qui est ici décrit sobrement. Une existence frugale, laborieuse, où les entreprises et la religion catholique demeurent les maîtres du jeu.
Les anecdotes donnent un ton plus léger à la sévérité de cette vie brossée en mots simples dans un style vif et entraînant. On y découvre la petite pièce, à l'arrière de l'épicerie de quartier, où accueillir quelques clients « particuliers » célébrant la dive bouteille, le dimanche. Le coloré Léon-Georges avec ses « rouleuses » et ses lunettes aux branches réparées avec du sparadrap. Le courageux cheval Nieger et bien d'autres.
Au-delà du simple récit surgissent les caractères des pionniers de cette région. Bien sûr, il y a la vie en forêt, les fermes laitières, le travail en usine, le commerce, mais chacun a sa part de rêve et de conquête. Comme Phydime Jean, le grand-père maternel, en route vers le Yukon (avec le cousin Thomas) pour finalement se retrouver aux États-Unis et revenir au pays pour devenir cultivateur dans le Canton Simard de Chicoutimi-Nord.
Et la tendresse dans cet univers? Jean-Claude évoque un père souvent absent, une mère d'une extrême sévérité. « Les mots amour, bonté, douceur et affection n'eurent pas de place dans son vocabulaire ni dans sa façon de nous éduquer » écrit-il, se souvenant des retours paternels comme de l'heure du châtiment dont les plus turbulents étaient menacés, non en vain.
Les souvenirs sont précieux. Si ce livre ne devait avoir que le seul mérite de préserver la mémoire d'une famille, il aurait déjà toute raison d'être. Cela demande un certain abandon, une dose de courage aussi pour mettre par écrit l'écho d'un passé brossé dans les tons sombres de la pauvreté durement combattue, de la rigidité d'une éducation.
Mais L'Époque de mon enfance de Jean-Claude Villeneuve recèle davantage qu'un récit familial. Dans la troisième partie surtout, Une saison dans les chantiers, l'histoire devient plus universelle, décrivant la vie dans un chantier, avec femme et enfants. Le narrateur devient le témoin privilégié de tous les gestes du quotidien. Un récit savoureux, riche de précision et, en plusieurs passages, fort émouvant d'une existence rigoureuse où la moindre douceur prend des airs de fête.
On avait déjà été sensible à ce petit garçon ému par la beauté de la maîtresse d'école, des épines au cœur aux premiers sentiments de jalousie, du souvenir sucré de l'anniversaire de ses cinq ans, de la corne sous les pieds privés de chaussures tout l'été par souci d'économie, de l'arrivée des premières automobiles et du tout premier salaire… en pommes de terre. Mais, à la lecture d'Une saison dans les chantiers, on découvre un auteur qui sait raconter avec justesse et nuance les odeurs de cuisine et des sapins. De précieuses informations pour des écrivains voulant recréer la vie des bois avec le plus d'authenticité possible.
On n'oubliera pas la première truite pêchée, le premier lièvre piégé, les joies simples, les plaisirs d'une enfance qui n'oublie pas qu'elle a été malmenée - comme certaine aujourd'hui - dans cette école chrétienne où élèves et enseignants se moquent du «bûcheron» qui, pour six mois d'absence à l'école et les signes apparents de la pauvreté, subit le rejet sans pleurer. « J'avais presque treize ans et un homme, ça ne pleure pas! Je reçus plus que ma part de coups et d'insultes. Je dormais très difficilement. Je me rappelle avoir pensé m'enfuir, tellement j'étais malheureux. »
Il trouva la meilleure parade : étudier tant et plus pour franchir avec succès toutes les étapes de cette enfance le menant à sa vie d'homme.
Ce livre est une forme d'héritage, pour les siens… Aussi pour nous.

Christiane Laforge
Anse-aux-Foins
22 août 2009

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