mercredi 15 août 2007

Marguerite

La mort est surprenante. Elle m’a laissé en vie.

Depuis cette année 2002 où j’ai refusé de franchir le pas fatidique, elle n’a cessé de faucher mes êtres aimés. Mère, père, belle-mère, tantes, amis, amies. Aujourd’hui, 15 août, l’alerte souvenir clignote, comme un glas, soulignant le souvenir du grand départ de Marguerite. C’était le 15 août 2004.

Une semaine plus tôt, elle était en barque sur une eau calme. Près d’elle, un poète lisait ses plus récents textes. Nous devions nous voir le 16 août. Elle est morte au cours de la nuit du 15 au 16.

Quand le téléphone a sonné tôt le matin, j’ai pensé : c’est Marguerite. Sa fille avait demandé que l’on me prévienne tout de suite, avant que je n’ouvre la radio où l’on parlerait inévitablement du décès de cette femme d’exception, Marguerite Bergeron-Tremblay d’Alma, grande militante pour Match international.

Elle luttait contre un cancer depuis des mois et ne m’en avait jamais parlé. Dans le petit mot laissé à mon intention, elle avait écrit: «Ma Christiane, tu me taquinais sur l’efficacité de mon régime amaigrissant. Je ne t’ai rien dit de la gravité de mon cancer parce que tu étais la seule à me parler d’avenir. Près de toi, je me sentais vivante.»

Elle avait 86 ans.

Quand je l’ai connue, en 1966, je vendais des toiles dans la ruelle des artistes d’Alma... pour survivre et payer mes études. Marguerite venait tous les jours regarder les peintures. Et moi, naïve, je voyais en elle une cliente qui prenait son temps pour choisir une œuvre importante. Cet espoir m’incitait à revenir chaque lendemain, réinvestissant pleine d’espoir le 3$ de l’unique aquarelle que je vendais journellement. Un jour, quelqu’un d’autre a fait l’achat tant souhaité, m’assurant de quoi survivre plusieurs semaines... et Marguerite est restée dans ma vie, de quoi vivre l’amitié toute une vie.

C’est le 15 août 2007.

Je porte à ma mémoire une inoubliable Marguerite.

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